Le diaporama sur l’Ubaye et la Grande guerre a été présenté en 2014 à Barcelonnette par Hubert Tassel.
Texte du diaporama sur les Ubayens et la guerre de 1914-1918
Diapo 1 : Titre La vallée de l’Ubaye et la Grande Guerre
Diapo 2 : présentation sommaire. En mars 2009, au marché, interrogé par Yves Arnaud, habitant Fours sur les raisons du vote de la municipalité de Fours en 1922 d’une subvention de 20 francs pour l’élaboration d’un mémorial à la gloire de l’Infanterie Alpine, je n’ai pu lui répondre. J’ai commencé à chercher. Peu à peu ma curiosité s’est éveillée, j’ai découvert que ce mémorial était la conséquence d’une tragédie vécue par notre vallée puis je me suis passionné sur cette page d’histoire méconnue. A travers des documents glanés ci et là, de lettres ou des témoignages fournies par des familles ubayennes, je vais tenter de vous raconter cette page d’histoire parfois méconnue de la vallée de l’Ubaye entre1914 et 1918 en m’attachant à vous raconter la guerre du 157e régiment d’infanterie et de quelques poilus ubayens,Un rappel historique s’impose : Le 28 Juin 1914, l’héritier du trône d’Autriche Hongrie, François-Ferdinand est assassiné à Sarajevo. Ce territoire serbe rattaché à l’Empire austro-hongrois depuis 1878 est source de revendications des nationalistes serbes. L’attentat, perpétré par de jeunes nationalistes serbes, s’inscrit dans le contexte politique très tendu des Balkans. Les peuples slaves, soutenus par la Russie, s’opposent à la domination austro-hongroise. En représailles à ce meurtre, Vienne adresse un ultimatum à la Serbie le 23 juillet.François-Joseph y voit l’occasion de se débarrasser de cet encombrant voisin qui soutient activement les revendications des minorités dans l’empire contre le gouvernement central. Le 28 Juillet 1914, l’Autriche-Hongrie avec le soutien de l’Allemagne déclare la guerre à la Serbie. Ce conflit balkanique va prendre des proportions européennes car le 30 Juillet, la Russie déclare la guerre à l’Autriche. Le 1er Août, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie. Le 3 Août, l’Allemagne déclare la guerre à la France, l’Angleterre soutient la France en déclarant la guerre à l’Allemagne le 4 Août.
Diapo 3 et 4 : A Digne, dans la nuit du vendredi 31 juillet, M. Fontanés, le préfet des Basses-Alpes est prévenu par téléphone ; Il se lève et prépare deux notes : l’une destinée à son personnel en vue de préparer les mesures de mobilisation par la diffusion des affiches, l’autre diapo 4 : concernant la rédaction d’un télégramme destiné aux trois sous-préfets et au maire de Manosque. Dimanche 2 août, toute la vie ubayenne est suspendue à l’annonce de la déclaration tant redoutée de la mobilisation nationale.
Diapo 5 : Affiche de mobilisation. L’affiche de mobilisation placardée dans toutes les mairies. A noter qu’elles étaient imprimées dès 1904 celle-ci est de 1906… D’autre part, le tocsin sonne le samedi 1er août à partir de 17 heures et ce sera le seul moyen pour le maire de Méolans de prévenir tous ses administrés.
Diapo 6 : Télégramme reçu par Monsieur Julien sous-préfet et article sur Poincaré et extrait du journal du 2 août 1914. Le télégramme, M. Julien, sous-préfet le reçoit également et doit signaler à l’état-major de Lyon l’heure de sa réception. Lorsque le journal de Barcelonnette du 2 août paraît, il est trop tard pour rédiger un article sur la mobilisation. Par contre, comme il était question depuis plus d’un mois de la visite prochaine du président de la République, Raymond Poincaré, devant la grave situation internationale, cette visite prévue pour le 9 et 10 août est annulée. Enfin, en dernière page, un entrefilet intitulé : Dernière heure.En ville M. Garcin maire de Barcelonnette est aussitôt prévenu de même que le colonel Castaing, commandant le 157e RI. Les cafés se remplissent : on discute beaucoup. Dans les foyers, les hommes mobilisables cherchent leurs fascicules de mobilisation pour relire l’endroit où ils doivent se rendre et avec quels délais.
Diapo 7 : photo du vase : Dans le bureau du maire de Barcelonnette, on peut encore admirer le vase en marbre vert qui devait être offert au président Poincaré.
Diapo 8 : le fascicule de Joseph Ange, charron à Barcelonnette Joseph Ange est le grand-père de Michèle Combe, ancien prof de maths est né en 1875. En 1914, il a donc 39 ans et est mobilisé dans la réserve territoriale. Il a fait son service militaire à Grenoble à la 11e batterie du 2e régiment d’artillerie en 1897. Il a deux jours pour rejoindre le fort de Tournoux au 1er groupe territorial du 11e régiment d’artillerie. Puis il sera affecté au 10e régiment d’artillerie et le 1er août 1917, il rejoint le 68e RAP. Il est constamment affecté à la compagnie d’exploitation, c’est-à-dire à la compagnie qui s’occupe des voies ferrées et des « machines », les locomotives puisqu’il sait travailler le fer.
Diapo 9 : atelier de Joseph Ange. Son atelier, place du Gravier.
Diapo 10 : Chiffres sur la mobilisation. En 1914, la population ubayenne est de 12 000 âmes environ. Or, en général, les hommes sont 48% de cette population soit environ 5 400 hommes. 2 287 sont mobilisés dans les 20 communes de la vallée y compris le village d’Allos, faisant partie de l’arrondissement.
Dans les Basses-Alpes, on estime qu’environ 30 000 hommes ont été touchés par la mobilisation.
Répartition des mobilisés. La répartition de ces mobilisés est la suivante :
Armée d’active = jeunes gens de 20 à 23 ans. Durée du service militaire = 3 ans.
Armée de réserve = rappelés de 24 à 33 ans
Armée territoriale = réservistes âgés de 34 à 39 ans
Réserve de l’armée territoriale = réservistes territoriaux âgés de 40 à 45 ans.
Diapo 11 : extrait du JMO du 157. Le télégramme arrive à Gap et à Barcelonnette le 1er à 17 h 10 On s’aperçoit que le 1er bataillon à Gap et la compagnie Hors Rang reçoivent l’ordre de rejoindre immédiatement Espinasse qu’il atteint à 3 h le pour repartir aussitôt pour le Lauzet où il bivouaque. Dès le 3, ils sont aux Sanières. Le régiment est quasiment en place le 2 août le long de la frontière. Et l’échelon composé du 3 et du 4 de détachent à Saint-Paul, Jausiers, fort moyen de Tournoux et Vallon-Claous.
Diapo 12 : Carte souvenir du 157e RI. Ce régiment implanté en Ubaye depuis 1888 partage les garnisons de Lyon et de Barcelonnette. Ce n’est que depuis 1913 qu’il quitte Lyon pour Gap et Barcelonnette.Deux bataillons à tour de rôle passaient six mois à Barcelonnette et six mois à Lyon ; le trajet se faisait en trois semaines à pied. Suivent quelques photos de son implantation en Ubaye.
De la diapo 12 à la diapo 21, implantations du 157 en Ubaye.
Diapo 22 : carte de l’Ubaye. Voici les différentes implantations en rouge.
Diapo 23 : Photo d’Albert Gilly. Albert a fait son service militaire au 140e RI de Grenoble en 1910 et termine son service militaire comme caporal. Il est cordonnier comme son père.
Diapo 24 : Lettre d’Albert Gilly.L’ensemble des courriers de la famille Gilly m’a été confié par Madame Andrau. (Margot, la sœur d’Albert et de Paul est devenue l’épouse du frère Adrien Brun de la mère (Paulette Brun) de Madame Andrau). Albert, le fils aîné de Florimont Gilly cordonnier au 30 rue Manuel, âgé de 27 ans écrit de Meyronnes (la troupe logeant chez l’habitant) à son jeune frère Paul lui aussi mobilisé au 157e RI dans un autre bataillon stationné à Saint-Paul. Il lui dit notamment ceci :« On disait hier que nous irions dans quelques jours dans l’Est, active et réserve de l’active. Rien n’est officiel. Il faut espérer que cela s’arrange. S’il nous faut partir, partons ! Ne te fais pas de bile, ça sert qu’à se rendre plus malade. »
Diapo 25 : Tenue du fantassin en 1914. Voici la tenue garance du départ en 1914, remplacée dès 1915 par la tenue bleue (moins voyante par les jeunes recrues d’où le nom de Bleuet qu’on leur attribue !).Le képi est remplacé par le casque dit Adrian du nom du sous-intendant qui les a commandés seulement en septembre 1915.
Diapo 26 : composition théorique d’un régiment. Chaque régiment n’a que 3 bataillons mais les régiments défendant la frontière ont un quatrième bataillon. Le 15/7 est donc à 4 bataillons à 4 compagnies à deux pelotons de deux sections, soit 4 sections.
Diapo 27 : Composition suite et détaillée par unité. À remarquer les fonctions particulières au niveau de la compagnie.Le bataillon est à 1024 hommes en 4 compagnies. La compagnie est à 256 hommes en 4 sections. La section se décompose en 2 demi-sections soit 4 escouades, demi-section à 34 hommes. Soit en tout 68 fusils. L’escouade est commandée par un caporal soit 16 hommes.
Diapo 28 : Précisions chiffrées sur la composition du 157e RI et de la 44e DI. Quelques précisions sur la composition du 15/7 et de la 44e DI mise à la disposition du général en chef suite à la neutralité italienne qui la rend donc disponible.
Diapo 29 : JMO du 15 7. Le 12 août, le 15 7 est prêt. . Le 13, à son tour, il reçoit l’ordre de rejoindre Chorges soit 42 km à pied. Il y est le 15 et part le 16 à bord de 5 trains. Sur le JMO, à peine trois lignes sont consacrées au trajet en voie ferrée pour l’Alsace. Il arrive en Alsace le 17, se met en place en direction de Mulhouse le 18 et livre ses premiers combats le 19 à Walheim.
Diapo 30 : Vue de la carte des voies ferrées de France : Ainsi en France sur le réseau ferré du PLM (Paris, Lyon, Méditerranée) ce sont plus de 3 000 trains qui vont transporter les troupes vers le Front. Après le 10 août lorsque les réservistes ont rejoint les régiments, les réseaux de l’Est et d’Orléans vont transporter les troupes à bord de 6000 trains à raison de 400 trains par jour.Sur ces deux réseaux ; ce sont 57 000 wagons, 600 000 hommes, 144 000 chevaux, et 40 000 voitures ou canons qui prennent le train. 42 corps d’armée sont ainsi dirigés vers le front en 20 jours, chaque corps d’armée (25 000 hommes) ayant besoin d’au moins 120 trains. Pour la plupart des hommes, c’est la première fois qu’ils prennent le train. Bravo à certains cheminots qui restent jusqu’à 40 heures de suite à leurs postes : aiguillages, machines, fourgons !En Ubaye, 5 trains sont nécessaires pour transporter le 157e RI et 3 autres l’étaient pour le 30e Bataillon de Chasseurs alors en manœuvre en Ubaye. Depuis janvier 1914.
Diapo 31
Diapo 32 : Vue de la gare de Culoz : carte écrite par Paul Gilly.
Diapo 33 : Lettre de Paul racontant le voyage en train. Mais nous en savons plus sur le déroulement de ce voyage par Paul Gilly (lettre de mars 1915) qui raconte à ses parents son premier voyage en train : « Je vous écris cette lettre pour vous tracer le parcours que nous avons fait depuis le 16 août 1914 (jusqu’en mars 1915).Je vais vous résumer en quelques lignes sans beaucoup de précisions car ce serait trop long de vous détailler toute l’histoire de cette campagne (enfin bref !). Nous embarquons le 16 août à Chorges pour la première fois que nous prenons le train. L’embarcation a été plutôt longue à minuit 50, le train démarrant le lendemain à la pointe du jour.Nous étions à Luz-la-Croix-Haute, Monétier-les-Bains vers les huit heures. Des gens de bon cœur nous portent le café et pavoisent le train de fleurs et de drapeaux malgré un arrêt très court. Vers les 11 heures, nous arrivons à Grenoble, une foule nombreuse était à la gare et comme il faisait très chaud, les dames de la Croix-Rouge nous portent à boire. Elles nous donnent du linge pour nous laver. Il y avait le temps : 1 h 30 d’arrêt. A midi, nous repartons sur la ligne de Chambéry. Sur toute la ligne, une foule de monde nous jetaient des fleurs et des paquets de cigarettes. Après Chambéry, Aix-les-Bains : jolie petite ville et ce qui rend plus beau, c’est le lac du Bourget. Le train longe le lac à 3 m près pendant plus de 10 km. Après cela, nous arrivons à Culoz d’où je vous ai envoyé une carte. Il y avait trois minutes d’arrêt : une bonne femme nous a offert le Pernod, plusieurs paquets de cigarettes et des brassées de rose. Nous arrivons le soir à Ambérieu. Il était minuit. Là, il y avait une gare immense, il y avait pour le moins 100 machines (locomotives). Tout était illuminé, on aurait dit qu’il était jour et il pleuvait beaucoup.On repart une heure après. Le train marche toujours et moi je m’endors. Quand je me réveille, nous étions près de Belfort. Après encore deux heures, nous arrivons à Belfort avant 8 h du matin. Là, nous voyons des trains de boches prisonniers qui nous ont regardés par la porte comme quelqu’un qui n’a jamais rien vu. On reste 30 minutes dans les wagons puis nous prenons la direction de Morvillars. Là, on débarque, nous sommes à environ 60 km des frontières d’Alsace. A 10 h du matin, nous faisons une marche de 10 km. Nous arrivons dans un petit village où nous n’avons pas eu le temps de boire le café quand un ordre arrive, il faut repartir. Nous marchons jusqu’à la nuit et on arrive à un petit village sur la frontière où on cantonne. Là, il y avait des braves gens serviables. Le lendemain à 3 h, nous partons pour rentrer en Alsace. On marche jusqu’à midi et à midi, nous arrivons à Walheim où nous livrons notre premier combat. Grâce à nous, le 15/9 est sauvé. »
Diapo 34 : courrier d’Albert. Albert, à son tour envoie une lettre à ses parents, dès son arrivée en Alsace : « Bien chers Parents. Sommes sur les frontières d’Alsace avec Paul. Ne vous souciez pas. Je vous embrasse tous bien fort sans oublier Margot. Albert. Nous avons fait un voyage de 2 jours et une nuit. »
Diapo 35 : Photo de l’Infanterie en Alsace et les premiers Ubayens tombés au champ d’honneur. En Alsace, l’Ubaye perd ses premiers enfants : Eugène Masse de La Bréole et Calixte Tron de Revel, tous deux du 15/7. Et 8 soldats à Wittersdorf : Firmin Margaillan et Joseph Reynaud de la Bréole, Ernest Pons des Thuiles, Louis-Jean Bellon de Faucon, Hippolyte Meyssirel de La Condamine, Sébastien André et Alphonse Jourdan de Saint-Paul et enfin Pierre-Léon Donneaud dit Massène de Larche. Ils faisaient tous partie du 15/9.
Diapo 36 : nouvelle carte d’Albert. En urgence, Albert envoie un autre courrier pour annoncer le départ d’Alsace vers les Vosges. A remarquer que cette carte a été sans doute achetée en Alsace qui était allemande : « Bien chers Parents. Nous sommes en très bonne santé. Nous allons quitter Belfort et l’Alsace pour aller vers les Vosges. Mille caresses à tous sans oublier Margot. Albert et Paul. »
Diapo 37 : Carte ancienne détaillée d’Alsace et des Vosges .Où l’on peut le trajet en train puis à pied pour rejoindre Saint-Dié et Rambervillers.
Diapo 38 : Carte Michelin actuelle. Où l’on peut situer l’emplacement des bois d’Hertemeuche et de la Pêche et les axes d’attaque puis l’axe de la retraite du 28 août. Résumons les actions.24 août : jour de repos à l’arrivée en gare de Saint–Dié. 25 août, départ à pied vers Rambervillers et Bru. 26 août ordre pour le 1er et le 3e de se porter vers le bois de Hertemeuche puis sur Ménil. Ils ne peuvent déboucher du bois à cause de l’artillerie. A 9 h, ils rejoignent Bru.Le 2e bataillon est en renfort à l’arrière. Le 4e occupe le plateau au sud-est du bois d’Anglemont.Le 27, le 1er reçoit à nouveau l’ordre de déboucher du bois de Hertemeuche. Pas de succès, à midi il reste sur le plateau au nord de Bru. Le 4e bataillon essaie du côté d’Anglemont. Par contre, ils vont attaquer dans la nuit et les unités de tête arrivent dans les lisières sud de Ménil. Nombreuses attaques à la baïonnette.
Diapo 39 : vue des bois à l’est de Ménil C’est de là sur le plateau de Sainte-Barbe que tirait l’artillerie allemande. En lisière du bois et au nord de la Chipotte.
Diapo 40 : vue du col de la Chipotte, objectif capital de tous ces combats.
Diapo 41 – Le JMO du 15 7 du 28 août. Voici le passage du JMO sur ces tragiques combats. Avec à gauche le bilan des pertes soit 704 hommes qui ne reviennent pas au sein du régiment.« A 5 h du matin, les 1er et 4e bataillons sont attaqués dans Ménil par une contre-attaque allemande. Le 4e bataillon se porte à l’attaque du plateau de Ménil. Les 1re et 4e compagnies défendent la lisière du village. Les 2e et 3e compagnies occupent en arrière de Ménil une position de repli. L’ennemi attaque en force, environ deux régiments. Les sections de mitrailleuses des bataillons peuvent se mettre en position et ouvrent un feu nourri sur les colonnes ennemies, mais bientôt le 4e bataillon puis le 1er sont obligés de battre en retraite n’étant pas soutenus par l’arrière. Les 2e et 3e compagnies couvrent leur retraite mais elles sont obligées à leur tour de se replier à la lisière du bois. Le retrait des bataillons s’est opéré sur un glacis d’environ 1500 à 2000 m sous le feu de l’artillerie allemande, les bataillons subissant des pertes importantes. » Voilà le déroulement de cette terrible et sanglante journée. A gauche, le bilan des pertes : 21 tués récupérés mais hélas 598 disparus.
Diapo 42 : Photo du terrain actuel. Vue actuelle du terrain que les combattants du 15/7 ont sans doute parcouru pour se replier. Au fond, Ménil et devant c’est le terrain de parcours de la terrible retraite.
Diapo 43 : vue de Ménil après les combats Une vue du village pendant les combats.
Diapo 44 : L’abbé Collé curé de Ménil de 1908 à 1943 et Maurice Barrès, député des Vosges. L’abbé Collé est l’homme providentiel que tout le monde va connaître, admirer tant il s’est donné pour soulager toutes les familles meurtries en s’occupant d’abord des blessé, puis de tous les tués qui deviennent peu à peu ses enfants.
Diapo 45 : vue du sud du village et la route de Rambervillers que les Allemands n’ont pas atteint ce qui permet de se faire une idée du paysage à cette époque. Carte annotée par Paul Gilly.
Diapo 46 : Bulletin de Sainte–Cécile. Grâce au bulletin paroissial de Sainte–Cécile, on sait ce qui s’est passé ce 28 août. A la demande de l’abbé Pelissier, L’abbé Collé raconte sa version des faits en janvier 1915/
Diapo 47 : Témoignage de l’abbé Collé. Ainsi une lectrice du bulletin du patronage des jeunes filles de Barcelonnette découvre son récit : « Le 157e s’est battu à deux pas de chez moi. Arrivé le 27 août vers 08 h du soir, il se loge dans la partie sud-ouest du village dans les maisons non encore incendiées et sur le plateau voisin au sud-est. Les Allemands peuvent facilement observer ses mouvements. Ils sont là depuis le 25 au soir et ils y sont fortement établis dans leurs tranchées. Le 1er bataillon et sa 1re compagnie vont se poster au nord du village et le 4e bataillon occupe tout le plateau et, je le répète, la moitié du village au sud-ouest. Ce même 28, je fus conduit à François de Bavière qui fut courtois et voulut bien me laisser revenir. A l’aller et au retour, je m’étais facilement rendu facilement compte des positions ennemies et de leurs forces, et je n’avais pas eu les yeux bandés, grâce à mes protestations.Après avoir relevé des blessés du 25 (c’est du 27 août que je parle), je rentre au village et je rencontre nos Chasseurs Alpins allant d’une allure décidée à la boucherie. Ils furent assez heureux de m’entendre et bientôt notre artillerie crachait la mort dans les tranchées allemandes. Pourquoi alors, le soir de ce 27, ne vis-je personne du 157ème pour les avertir du danger d’aller se reposer dans le nid des Allemands ? Pourquoi ? Mais nul ne fut consulté et le 28 dès 6 h du matin, au plateau et ailleurs, ce fut, en une demi-heure, une tempête de fer et de feu. Beaucoup furent tués. 200 environ : plusieurs centaines de blessés furent amenés dans nos ambulances et les autres dirigés sur l’arrière allemand comme prisonniers. Nous perdîmes un commandant (Commandant Baille), un capitaine plusieurs lieutenants. Mais de leur côté, les Allemands perdirent leur colonel grièvement blessé qui mourut le 29 et un capitaine que j’eus à soigner chez moi et dont la présence me servit beaucoup.Le champ de bataille qui est sous mes yeux était douloureux à voir et les victimes en furent inhumées très hâtivement. Et très difficilement, la canonnade était incessante de nuit comme de jour. Après le départ des Allemands, le 12 septembre, une commission fut chargée d’ensevelir les morts qui ne l’étaient pas encore à certains endroits, surtout dans les bois et enfin le mois de novembre fut occupé par les travaux d’indentification. Presque tous nos soldats du 157e ont leur tombe spéciale et ne peuvent s’égarer et les familles peuvent avoir confiance, je les leur garde avec amour et fierté.Depuis septembre, j’ai fait un musée commémoratif de ces dix-neuf jours et le 157 y a sa place d’honneur. Le 2 novembre, cérémonie funèbre qui eût lieu au milieu des tombes du 157e en présence du 357e et du Lt-Col de Susbielle ! J’ai dit le principal, je crois, vous vous en contenterez.
Abbé Alphonse Collé. »
Diapo 48 : L’écrit du Dr. Rebattu. Témoignage complémentaire du médecin-major Rebattu, médecin au 217e RI dans le N° 63 de février 1915 :« J’ai reçu le dernier bulletin du patronage. J’ai lu avec intérêt les lettres de Bertin Tron. La lettre du curé de Ménil m’a également intéressé car les combats dans cette région au nord et à l’est de Rambervillers ont duré du 25 ou 26 jusqu’au 12 septembre. C’est le 12 au matin que les six régiments de la 71e division (dont fait partie le 217e RI) avec quelques bataillons de chasseurs ont achevé de repousser les Allemands, qui, ayant appris leur échec sur la Marne, avaient reçu également l’ordre de se replier.
Le 12 au matin donc, nous avons traversé le champ de bataille de Ménil et d’Anglemont où pendant 15 jours, on s’était battu sans pouvoir seulement enterrer les morts et, c’est le spectacle le plus navrant que j’ai jamais vu : cadavres à demi-momifiés, horriblement mutilés, chevaux éventrés, débris de fusils, de baïonnettes, vêtements en lambeaux, routes et prés creusés d’immenses trous d’obus. Sur la capote des morts, j’ai bien lu souvent le N° 157. Mais il fallait aller de l’avant ; le soir, nous couchions à Baccarat d’où les Allemands venaient de partir. On remarquera qu’il est en deuil de son frère Paul tué en août 1915, et qu’il compte déjà un an et demi de présence sur le front grâce aux chevrons de l’épaule d’où photo datant sans doute de septembre 1915.
Diapo 49 : Carte d’une tombe du 15/7. Dès la fin de la bataille, comme vont le témoigner beaucoup de cartes postales, initiative de l’abbé Collé car, en septembre, il va créer le musée commémoratif de la Bataille. L’abbé Collé ayant vécu tous ces jours de combat, a transformé tout d’abord le presbytère en infirmerie. Puis, comme les troupes françaises sont parties, avec les habitants revenus, il va s’occuper des morts en les identifiant, en relevant leurs affaires personnelles et papiers d’identité, puis en les enterrant dans de nombreux cimetières dont voici quelques exemples. Ici, ce qu’il appelle la grande tombe du 15 7. Paul Gilly donne des précisions sur le souhait de l’abbé Collé d’y édifier un monument après la guerre, ce qu’il fera à partir de 1922.
Diapo 50 : Une autre tombe du 157e RI. Et toujours on peut remarquer la présence de l’abbé Collé.
Diapo 51 : autre cimetière. Un autre cimetière dédié aux combattants du 15 7 avec une précision de Paul sur l’emplacement où se trouve la tombe d’Albert.
Diapo 52 : Carte postale de l’Abbé Collé. Notre abbé devant le presbytère qui sert également de musée, musée qu’il crée dès septembre 1914.
Diapo 53 : Carte postale du musée. Le musée vu de l’intérieur. Sous l’autel des obus allemands. Et au plafond, il fait dessiner une carte dessinée du front.
Diapo 54 : Autre vue de l’intérieur du musée. En bas la photo du commandant Baille, une des photos restantes du musée. Son nom a d’ailleurs été donné à des bâtiments militaires la sortie nord de Jausiers.
Diapo 55 : Un des carnets d’identification des corps. Un des nombreux carnets personnels de l’abbé Collé, qui, durant pratiquement trois ans a recherché les corps en essayant de les identifier avant de leur donner une sépulture. C’est pratiquement un carton entier de carnets et de nombreux cahiers qui se trouve actuellement conservé dans la mairie de Ménil. Ici, on peut lire des informations concernant Virgile Blanc né en 1885 à Barcelonnette.
Diapo 56 : remarque sur les sergents. Ici, une confession curieuse qu’il est intéressant de vous lire : « c’est toujours la même chose, pagaille. Sergents de tout acabit aimant beaucoup mieux les « poules » de Baccarat que leur devoir, n’ayant d’ailleurs aucun goût et, malgré toutes mes complaisances, n’ayant à mon endroit que des impolitesses. Je ne sais rien que ce que je veux savoir. Pauvres familles, en quelles mains sont leurs enfants !
Diapo 57 : Photo 1re cérémonie commémorative Dès novembre 1914, il instaure des cérémonies commémoratives.
Diapo 58 : le premier drapeau de Barcelonnette. Début 1915, l’abbé Collé demande à toutes les communes concernées par ces combats où leurs enfants y sont tombés, de confectionner pour le musée un drapeau, ce qui permettra de rendre un hommage éternel à ses héros et de perpétuer leur souvenir. Celui de Barcelonnette a été confectionné en drap par les petites filles des écoles. De Barcelonnette. Au centre, la mention suivante est brodée en lettres dorées : « Barcelonnette à ses héros de Ménil s/Btte 28 août 1914 ». Ce petit drapeau sera présent au 2e anniversaire de 1916 et reste à Ménil jusqu’en 1918, date à laquelle, il est vraisemblablement revenu en Ubaye. De temps en temps, avant la seconde guerre mondiale, il participait vraisemblablement aux diverses cérémonies. Depuis, il était soigneusement rangé dans le deuxième tiroir de la sacristie. Personne ne le savait. Mme. Tavozzo d’Aix–en–Provence, parente de Félix Chiardola, lui aussi tombé à Ménil, se rappelait l’avoir vu quand elle était une petite fille. Il a été retrouvé début août de cette année et présenté à la messe du dimanche 28 août 2011. D’où cette trouvaille par mes soins.
Diapo 59 : troisième cérémonie. Où l’on voit monsieur M. Garcin, le maire de Barcelonnette, présent à la cérémonie du 28 août 1917.
Diapo 60 : Vue d’un extrait du journal de Barcelonnette, fin septembre 1917 où on peut y lire la lettre de l’abbé Collé demandant un nouveau drapeau. Dans sa lettre du 16 septembre 1917, il écrit : « Vous devez savoir tout ce qui se passe en ce Ménil où tant de vos concitoyens sont tombés au champ d’honneur. Les journaux vous ont déjà renseignés sur le caractère grandiose de la cérémonie du 28 août : certains ont cité parmi les drapeaux des villes : Lyon, St–Etienne, etc., celui de Barcelonnette. Il y était en effet, le petit drapeau confectionné par les petites filles de la ville ; il passait même le premier et faisait bonne figure auprès des grands frères de Grenoble, Chambéry, le Puy, St-Etienne…Je viens donc, Monsieur le Maire, au nom de mes enfants du 157e, vous adresser ma requête… (de vous demander un drapeau officiel en soie et aux armes de la ville)… Au cours des cérémonies patriotiques, je fais incliner ces drapeaux sur nos cimetières militaires et en temps normal, ils montent avec moi la garde d’honneur au musée de la bataille fondé deux jours après la retraite allemande dans une des pièces rougies de sang alpin d’une bataille de 19 jours et de 18 nuits. »
Diapo 61 : vue d’un extrait du cahier de délibérations de la commune de Barcelonnette fin septembre 1917 où suite à la demande de l’abbé Collé de confectionner un deuxième drapeau aux armes de la ville, le conseil vote oui à l’unanimité. Ce drapeau sera réalisé par les dames de la Croix-Rouge.
Diapo 62 : nouveau extrait du Journal de Barcelonnette concernant la présentation du nouveau drapeau lors de la messe du vendredi 22 mars 1918, le drapeau ayant été béni par l’abbé Chabot.
Diapos 63 et 64 : cartes avec photos du second drapeau de Ménil. Où l’on voit effectivement la présence du drapeau de Barcelo au 4e anniversaire d’août 1918.
Diapo 65 : Annonce de la mort de Paul Gilly le 29 août 1918. Le destin est implacable car hélas le lendemain, c’est–à–dire le 29 août 1918, quatre ans après la disparition de son frère, Paul Gilly tombe à son tour au Bois de Quesnoy dans l’Oise, prés de Campagne. Voici sa fiche.
Diapo 66 : Photo du drapeau d’août 2010. Le drapeau de Barcelo retrouvé par mes soins le dimanche 29 août 2010. C’était sans doute la première fois qu’une délégation ubayenne se rendait à Ménil depuis des lustres.
Diapo 67 : Photo de la cérémonie de du Ménil 29 août 2010. Dépôt de gerbes en compagnie d’Yvon Arnaud de Fours en août 2010.
Diapo 68 : Vue du mémorial de Ménil. Cérémonie au mémorial. les communes ont donné entre 20 francs et 25 francs d’époque soit 26, 5 € sachant qu’en 1918, la dévaluation a été multipliée par 4.
Diapo 71 : Photo du mémorial vers les années 1925 les sculptures des deux groupes ne sont pas encore installées.
Diapo 72 à 74 : Photos détaillées du mémorial en venant de Rambervillers, de loin le mémorial est bien visible.
Diapo 75 : le nouveau guide Michelin. Détail de la page 128.
Diapo 76 : photo de la nécropole de Ménil.
Diapo 77 : photos de la tombe d’Albert Gilly en 1917 et en 2010.
Diapo 79 : Autre lieux de batailles du 15/7. Après cette terrible bataille, le 15 7 va être souvent déplacé et va se battre à Bouconville, en Belgique, à Flirey, au bois d’Avocourt près de Verdun et en Orient. Il ne revient en France qu’en janvier 1919.
Diapo 80 : Carte des autres combats du 15/7. Sur cette carte, on peut repérer les lieux comme Flirey, Bouconville, Avocourt, Souchez et le bois de Berthonval ainsi que Nieuport en Belgique.
Diapo 81 – Vue de l’église détruite de Flirey. La photo très abîmée à gauche ne portait aucune annotation. En cherchant des cartes postales de Flirey, la vue de l’église détruite m’a interpellée. Dans les deux cas, c’est la même église. Je suppose donc que Paul Gilly a été, lui aussi, à Flirey.
Diapo 82 photos de Flirey. Une piste avec des caillebotis, blessés sur la route, pièce contre avion, le poste de commandement, un blessé dans les boyaux et dans les bois de Bruschaussant,
.Diapo 83 : Photo du monument du bois de Mort–Mare. Dans les années 1935, les anciens Lyonnais du 15/7 ont participé à la réalisation de ce monument dédié à toutes les troupes qui ont combattu dans le secteur de Flirey.
Diapo 84 : Carte générale de Verdun.
Diapo 85 le réduit d’Avocourt Le réduit d’Avocourt a été attaqué avec succès le 29 mars 1916.
Diapos 86 : Carte schématique d’Avocourt.
Diapo 87 à 89 : cartes postales de la Fontaine d’Avocourt.
Diapo 90 : Photo de 2011 du Pain de Sucre. Autre lieu célèbre de par les exploits du lieutenant Brochard. C’est à peine à 20 km au nord-est de Ménil, région déjà connue par le 15 7. Le 1er et 2 août 1916, après une longue préparation, 91 volontaires sous le commandement du lieutenant Brochard (9e compagnie du 3e bataillon) vont escalader (de nuit) et attaquer l’observatoire du Pain de Sucre mais seront obligés de battre en retraite occasionnant alors de nombreuses pertes.
Diapo 91 : le 15 7 : Schéma de la campagne d’Orient. Décembre 1916, le régiment quitte la France pour se battre en Orient. Il va successivement se battre en Albanie, Grèce, à nouveau en Albanie, Bulgarie, Serbie et enfin en Hongrie et ne rentre en France qu’en décembre 1919. Puis il est dissous.
Diapo 92 : Vieille photos d’Albanie. Vue d’Albanie ici à Monastir.
Diapo 93 : Pertes du 15 7. Durant cette grande guerre, le 15 7 va perdre 51 officiers, 189 sous-officiers et 2722 caporaux et soldats. Mais d’autres Ubayens ont été mobilisés et certains d’entre eux vont à leur tour être tués au sein d’autres corps de troupe, principalement dans les régiments d’infanterie, dans les bataillons de chasseurs, dans les régiments d’artillerie et quelques-uns dans des régiments de génie.
Diapo 94 : Liste des pertes dans les régiments d’infanterie. En rouge, les régiments et l’ampleur des pertes en rouge. 132 au 15/7 puis 68 au 15/9, 16 au 359 et 6 seulement au 357 qui s’explique par ce que ce régiment a été dissous en 1917.
Diapo 95 : dans les autres armes. Dans les chasseurs 6 sont morts au sein du 14e BCA et 8 au 52e BCA d’Embrun.
Diapo 96 : Enumération des documents concernant la vie des poilus. Pour se faire une idée de ces poilus, on peut consulter tout d’abord les registres matricules détenues aux archives, les fiches individuelles communiqués par le ministère de la Défense, les bulletins paroissiaux comme ceux de Fours et « le Petit Mois de Sainte-Cécile » de Barcelonnette, la revue de l’abbé Berlie de Rioclar et enfin par les courriers des familles quand ceux-ci n’ont pas disparu.
Diapo 97 : Exemple de fiche matricule, celle de Jules Esmieu. Il est décédé après la guerre en 1919 car la Nation a décidé de nommer tous les combattants qui sont décédés après la guerre jusqu’en octobre 1919.
Diapo 98 : Fiche de Liotard. La fiche curieuse de Liotard Joseph qui reviendra au pays. En effet, à côté de sa profession de boucher, on, peut lire la mention écrite au crayon : « sait tuer ». Que cela signifie-t-il ? En fait, pour les besoins de l’alimentation les bêtes arrivaient souvent sur pied très près du front. Il fallait donc des spécialistes pour abattre ces animaux, d’où la recherche de ces métiers dès le début de la guerre.
Diapo 99 : la fiche d’un fusillé ubayen en décembre 1914. J’ai réussi à trouver un membre de sa famille qui m’a raconté ce que disaient ces copains de régiment lorsqu’ils sont revenus en permission.
Diapo 100 : le texte sur son exécution. Par un pur hasard, j’ai pu consulter le journal d’un officier ubayen qui a écrit son journal, journal que la famille actuelle ne souhaite pas diffuser et qui a assisté à cette triste exécution.
« 6-12. On vient me réveiller à 5 h, ordre de tenir la section prête pour 6 h et demie. J’exécute l’ordre. J’apprends qu’on va fusiller un condamné à mort. On tire au sort les 12 hommes du peloton d’exécution. Je n’en suis pas. Nous allons sur la place d’exécution ; c’est un champ contre la plus haute maison du village. Un talus y a été élevé pour absorber les balles. Nous trouvons là le restant de la compagnie et la 9° compagnie. Ce sont les seules troupes cantonnées ici. On nous place en ligne de colonne de compagnie, face au talus, à 20 m environ. Le peloton est rassemblé en avant sous le commandement d’un adjudant. Nous attendons longtemps ; la nuit se dissipe peu à peu, le temps est très clair et il fait froid.
A 7 h 1/4 par un ordre du capitaine de Saint Sirmin, commandant d’armes, nous mettons baïonnettes au canon et présentons les armes. On amène le prisonnier (il est vêtu d’un pantalon rouge tombant et d’une petite veste) conduit par 4 gendarmes. Il est pâle mais marche courageusement ; près de lui, lui donnant la main s’avance l’aumônier du régiment qui lui parle à voix basse. Arrivé devant le talus, un homme lui bande les yeux avec un bandeau blanc pendant qu’un officier lit la condamnation. Je n’entends confusément que les mots : Article …. désertion … abandon de poste ….mort.On fait placer le condamné à genoux face à nous. L’aumônier lui dit encore quelques mots puis s’éloigne.
Dans un silence profond on entends : Chargez – Joue – Feu. Le dernier commandement est couvert par le crépitement unique des douze coups de fusil. On voit très distinctement les jets de flamme converger vers la poitrine, et au même moment, du dos s’échappe un nuage rouge fait de gouttelettes de sang entraînées au dehors par les balles qui sifflent en entrant dans la terre.
Le corps a un soubresaut violent, puis reste immobile une seconde, et tombe doucement sur le côté ; le chef du peloton s’approche et tire dans la tempe un coup de revolver destiné à arracher la dernière parcelle de vie qui aurait pu subsister. On constate la mort, tous les hommes ont la gorge serrée. C’est affreux de mourir ainsi. On repose les armes et rentre la baïonnette. Les brancardiers soulèvent le corps : sur la poitrine on ne voit rien mais le dos, dans un cercle comme une assiette, est en bouillie, le drap de la veste est arraché et la chair tombe en lambeaux et en bouillie …. Les deux compagnies défilent devant le cadavre et nous rentrons pensifs pendant que le soleil s’élève radieux au-dessus de l’horizon. »
Diapo 101 : Présentation du Journal de Barcelonnette. Après l’étude des fiches matricules, on peut étendre notre connaissance sur nos poilus en consultant le Journal de Barcelonnette. On lit ici des télégrammes officiels : textes qui sont passés par la Censure. En effet, dès le 30 juillet 1914, la censure a été établie qui vise et la presse et le courrier. Il s’agissait de surveiller la diffusion des informations, de lutter contre la Propagande, de veiller au moral et enfin de ne pas donner des informations à l’ennemi. Au Bureau des Postes à Paris se tenaient 400 censeurs qui filtraient tout. Puis de 15 à 25 personnes composaient des comités de censure dans 22 départements. En tout, ce service comprenait 5 000 censeurs.
Diapo 103 : Rubrique « Nos Morts ». Très tôt, hélas une autre rubrique apparaît à son tour : « Nos Morts ».
Dans ce journal, la mort d’Antoine martel est citée.
Diapo 104 : Autres sources de témoignage : les Bulletin paroissiaux ; Celui de Barcelonnette et de Fours. Le bulletin intitulé « Le Petit Mois de Sainte–Cécile » entièrement rédigé par l’abbé Eugène Pelissier. Il paraissait chaque mois depuis 1907 et a cessé de paraître en 1919. L’abbé y reproduisait des extraits de courriers que voulaient bien lui transmettre les parents des mobilisés. Celui de Fours était réalisé par l’abbé Signoret.
Diapo 105 : Le bulletin d’Uvernet « L’Echo de Notre Dame des Lumières » fait par l’abbé Collomb et celui de Tounoux « la voix du Bon Pasteur de l’abbé Dellion.
Diapo 106 : extrait de celui de Barcelonnette où l’on peut lire qu’un combattant, au front sur la Meuse, a vu passer devant lui deux autos du service de transport de Prunières à Barcelonnette. Puis un autre écrit sur une anecdote du col de la Chipotte où les Allemands sont obligés de tirer leurs canons de 77 mm.
Diapo 107 : autre extrait avec un article intitulé le « Chez les Boches », appellation couramment utilisée.
Diapo 108 : Le bulletin de Fours. Il paraît durant la guerre, rédigé par l‘abbé Signoret. Dans ce numéro de 1918, le curé de la paroisse évoque par année, la guerre des 20 tués de la paroisse.
Diapo : 109 : Première page de Rioclar. Voici une page de cette revue. Parmi ces témoignages, voici la vie de Gédéon Gas, fait prisonnier à l’issue du combat de Ménil comme son copain Joseph Barneaud. L’anecdote de l’œuf.
Diapo 111 : la fin de la brochure de Rioclar. C’est un résumé des 82 poilus mobilisés et relate la vie des 17 copains qui ne sont point revenus. Parmi ces mobilisés, il a relevé 4 promotions à différents grades, 5 croix de guerre, 2 citations et il évoque la réalisation du monument aux morts de Rioclar, le premier de la vallée inauguré le 23 juin 1919.
Diapo 112 : annonce de quelques destinées de poilus ubayens
Diapo 113 : Antoine Martel. Il a 33 ans et il est, marié, père de deux enfants. Cordonnier comme son père, sa boutique est située rue manuel (ancien bar fermé aujourd’hui. A la mob, il rejoint le 15/7 et écrit sur un carnet publicitaire. Ses dernières lignes écrites datent du 26 août 1914 lorsqu’il est à Saint-Dié, en route vers Raon-l’Etape. Il tombe le 28 août à Ménil.
Diapo 114 : la carte des Vosges du 23 août, déraillement du train. Il écrit : « Par suite déraillement d’un train nous précédant, en panne à Aillevillers et en toute pour… Venons d’Alsace Altkirch où nous avons fait connaissance avec l’ennemi. Santé bonne. Ampoules aux pieds Nombreuses caresses.
Diapo 115 : détail de son carnet. Derniers mots du 25 août où il indique : « départ à 5 h du matin. Marche forcée en direction de Raon-L’Etape tout le jour et une partie de la nuit sous la pluie, dans l’herbe mouillée pris au jour nos positions avant Raon-L’Etape-sous-bois.
Diapo 116 : Henri Tron. Le carnet de « pépé » Henri Tron du Laverq. A gauche, ses médailles : à droite, la médaille commémorative de 1914-1918 ou la « Médaille des Poilus » accordée à tous les combattants et à gauche la médaille Interalliée ou « médaille de la Victoire » remise à tout combattant ayant séjourné 3 mois au front
Diapo 117 : carte du parcours d’Henri Tron. Henri Tron est un réserviste de la territoriale, âgé de 39 ans. Il est marié et a 5 enfants. Mobilisé au 112e territorial, il rejoint le 97e régiment d’infanterie territoriale en décembre 1915. Il n’a pas l’habitude d’écrire et se sert d’un petit carnet noir sur lequel il écrit quelques mots. Il note les montées et descente au front, les fusillades, les canonnades, le temps qu’il fait, les corvées et déplacements, et comment et où il dort.
Diapo 118 : une page de son carnet où il indique qu’il doit se coucher sur du fumier. Henri Tron rentre en permission en juillet 1915. Il n’y a plus d’écrit. Le 2 octobre 1916, il change de régiment pour le 13e territorial. En octobre 1917, comme père de 5 enfants, il est détaché aux travaux agricoles de la catégorie A. Après la guerre, il reprend les travaux des champs au Laverq, région qu’il quitte en 1933 pour aller chez son fils Emile Aux Fillys, près de Selonnet. Dans les années 30, menant le troupeau de moutons aux alpages, il reçoit un caillou sur la tête. Trépanné, devenu aveugle, c’est en tenant la main d’Etienne ou de Noël, ses petits-enfants qu’il se promène sur les chemins ou dans les champs. Il s’éteint le 20 mai 1945 entouré de l’affection de sa nombreuse famille.
Diapo 119 : Carte du parcours en 1918 et photo d’Anselme Charpenel où l’on voit qu’il a été partout lorsque l’on découvre les cartes des parcours des 4 années de guerre.
Diapo 120 : deux photos d’Anselme : l’une au départ du Mexique en août 1914 et l’autre à Verdun en 1917.
Anselme est né à Certamussat le 24 juin 1892. Sixième enfant d’une famille de quinze enfants. En 1914, il est au Mexique. Il est incorporé le 6 septembre 1914 au dépôt du 157e RI de Gap et poursuit son instruction à Valréas en octobre 1914. En janvier 1915, il part pour le front au sein du 99e RI de Vienne et sert principalement comme signaleur durant toute la guerre. En mars 1915, il est blessé dans la Somme à Morcourt. En octobre 1918, il est à nouveau blessé et gazé vers Gomont dans les Ardennes. en avril 1918), montagne de Reims mai-juin 1918, Champagne septembre-octobre 1918 et dans les Ardennes novembre 1918. Il n’est libéré qu’en mars 1919, titulaire de la Croix de Guerre.
Diapo 121 à l’instruction à Valréas
Diapo 122 dans l’Aisne en 1917 en compagnie de copains et de pigeons et à Verdun en octobre.
30–5 : une grande revue est annoncée, il s’agit de la décoration de la Médaille militaire russe au général Pétain qui, par son énergie, a soi–disant sauvé Verdun.8 h : quatre divisions d’infanterie (30 000 hommes) sont rassemblées sur un plateau. Nous avons marché quatre heures pour cette cérémonie sous une pluie qui traverserait les rochers. Chacun grelotte en attendant « monsieur ».9 h : le voici. Les drapeaux flottent, les fanfares jouent la Marseillaise (ils oublient que nous présentons les armes puisqu’à 10 h 30 nous sommes encore là à faire les pantins). Enfin, il est parti non sans nous avoir fait défiler devant toute la clique. 12 h : en route pour le retour. Heureusement qu’un bon soleil nous a un peu séché les effets. Cette journée me reste aussi mémorable qu’une journée de bataille à cause du ridicule qu’elle a eue sous la pluie. Nous avons servi, une fois de plus de mannequins…10–6 : le repos est terminé, nous allons prendre un secteur tranquille ayant droit à deux mois de repos complet avant une nouvelle bataille. 6 h : voici les autos. Ils nous transportent dans la même direction où ils nous ont pris il y a un mois. 40 kilomètres en auto. 10 kilomètres à pied et nous voilà à Monthairons–le–Grand. Qui m’aurait fait croire lorsque j’y suis passé il y a quinze mois que je retournerai encore là pour me battre ! Une semaine s’y écoule, je suis bien habitué avec mes nouveaux camarades signaleurs. Plus de disciplines de compagnie, plus de revues, plus de corvées, nous sommes de petits rois en comparaison des camarades qui sont dans les compagnies.
20–6 : en route pour les lignes, Monthairons, Dieue, Moulainville à 35 kilomètres ; nous couchons sous les tentes au camp de la Chiffour. Bois sur les pentes de la Woëvre.
21–6 : nous nous préparons pour aller en ligne ; quel cauchemar que de retourner en ligne devant Verdun. 18 h : en route.Après deux heures de marche à travers bois nous voilà à Moulainville, je suis nommé chef d’un poste de signaleurs à Manesel, redoute tout proche du village dans une gentille forêt. Je prends possession des consignes et du poste ; quatre camarades sont avec moi, nous serons tranquilles puisque je suis le chef. Nous avons une superbe cagna à notre disposition, c’est plutôt une petite villa forestière.
22–6 : 6 h : lever. Un perron de quinze marches nous conduit au dortoir, pièce en terre de trois mètres sur deux et deux de haut. Les lits en grillage y sont superposés. Elle a deux mètres de terre et du bois comme toiture ; à sa sortie, une petite gloriette est tissée avec des branchages ; elle est garnie d’une table et de deux bancs, un lavabo dans un angle. À cinq mètres de là, nous avons une autre cagna qui doit servir de réfectoire les jours de pluie. Après avoir tout visité, nous allons au poste qui est à 200 mètres de là. Il se compose d’une petite gloriette recouverte d’une tente, le tout en plein bois. Une table, deux chaises et un projecteur de 24 centimètres de diamètre, compose le poste. La consigne est de prendre la garde nuit et jour pour surveiller un autre poste qui est à un kilomètre de là. Quinze beaux jours se passent à ce poste, nous passons notre temps avec un camarade, à faire des briquets, des bagues, etc. Ce n’est que travail du matin au soir ; toujours sous ce beau décor ; l’air pur des bois nous est une bonne cure. Tous les deux jours, je vais à la corvée de soupe à deux kilomètres de là. Je m’engagerai bien à rester six mois à ce poste. Il rentre à Certamussat le 27 mars 1919. En 1980, il meurt violemment heurté par une automobile. Ainsi, ce roc alpin, ayant échappé à la barbarie de la Grande Guerre fut simplement abattu par une automobile folle de vitesse : un aspect des temps modernes selon sa fille Colette Bavoux.
Diapo 124 : Le courrier. Quelques types d’enveloppe : Quatre milliards de lettres en 4 ans. 1500 préposés au courrier seront tués. Exemples d’autres modèles de courriers y compris des cartes de prisonniers. Comme pour la presse, le courrier était censuré. Les poilus n’avaient pas le droit d’indiquer les dates, le déroulement et les lieux des combats. Le contrôle postal s’est étoffé en 1915. Il fallait veiller au moral des combattants. Neuf commissions de 20 membres environ traitaient jusqu’à 180 000 lettres par semaine avec comme objectif tenir les civils dans l’ignorance des conditions de vie des poilus, ne pas transmettre d’idées fausses, ne pas donner d’informations sur les fusillés et les mutins. La franchise postale est accordée depuis le début. Des cartes pré-écrites sont mises à la disposition des mobilisés. On a comptabilisé jusqu’à 5 millions de lettres par jour et 150 000 colis, soit
Diapo 125 et 126 : courriers d’Ernest Michel. Un des très nombreux courriers trouvé à la déchetterie par M. Garcin de Veolia. Ernest Michel est né en septembre 1893. En 1914, maréchal-ferrant comme son père, il est en train d’effectuer son service militaire au 6e régiment d’artillerie à Valence. Il rejoint le front au sein du régiment comme chauffeur et mécanicien de camion. Mais il s’occupe aussi des chevaux comme on peut le découvrir en lisant ses courriers. Ernest écrit souvent à son père, maréchal expert place Aimé Gassier. Le maréchal expert est considéré comme un vétérinaire. Il écrit aussi sur des cartes-lettres offertes par l’administration militaire. Découvrons quelques-uns de ses écrits. Ainsi, dans ce courrier, Ernest évoque la mort de deux copains : Antoine Martel et d’Albert Gilly.
Diapo 126 : carte de Noël. A la période de Noël, même étant sur le front, Ernest y pense. Admirons cette carte décorée simplement destinée à ses parents. Il écrit très souvent et souvent il demande des colis ; peu de renseignements sur la guerre, exceptés ses conditions de vie. Peu d’indications sur les endroits où il guerroye. Cependant, en mai 1915, on le situe près de la crête fameuse de Vimy, crête qui domine Lens dans le Pas-de-Calais où il écrit à ses parents après trois jours de tirs immenses à la bataille du 9 mai 1915.
Diapo 127 : Les cartes de Joseph Ange. Joseph Ange est né à Embrun en 1875. Il a 39 ans en 1914 et est versé dans la territoriale à la 5e batterie du 11e régiment d’artillerie à Saint-Vincent les Forts. Il était charron place du Gravier à Barcelonnette. C’est pourquoi durant la guerre, il va s’occuper des machines comme mécanicien puis même comme conducteur. Il écrivait systématiquement sur des cartes postales qu’il pouvait acheter au gré de ses déplacements.
Son épouse Maria faisait de même. Michèle Combe, sa petite fille, de toutes ces cartes, en a fait un merveilleux album Ce sont 96 cartes postales écrites entre le 16 décembre 1914 au 30 janvier 1917 qui composent l’album. Impossible de savoir ce que sont devenus les autres écrits car la famille est persuadée que Joseph a écrit durant toute la guerre. Cet album, c’est un joyau permettant aux jeunes générations de cette famille de revivre cette période douloureuse vécue par Joseph Ange. Ces cartes postales sont touchantes. Il évite de s’appesantir sur son sort. Il ne décrit pas les horreurs de la guerre mais pense constamment à la situation de sa famille et de son atelier. Entre décembre 1915 et juillet 1916, aucune carte n’a été retrouvée. Il change souvent de régiment. Il bénéficie de deux sursis en 1917 et en 1918 pour être affecté à l’intérieur comme charron, étant également père de 5 enfants. Le 2 novembre, il est à nouveau affecté chez messieurs Achard et Robert à Barcelonnette comme charron. J’ai retrouvé une décision du conseil municipal de Faucon enjoignant le commandement de la XIVe région de Lyon pour le détacher « à l’intérieur « comme charron ; Après la guerre, il reprend son travail de charron jusqu’ à son décès en 1943.
Diapo 128 : Photo de Paul Rebattu et sa fiche matricule. Paul est le frère du docteur médecin-major Jean Rebattu. Il a 30 ans en 1914. C’est un avocat installé à Forcalquier. Il s’était engagé en 1906 au 96e RI. A la mobilisation, en août 11914, il rejoint le 12e BCP à Embrun puis il rejoint le 52e BCA en décembre 1914. Il est tué au Linge le 31 août 1915 alors qu’il était en poste d’observations subissant durant six heures de violents bombardements.
Diapo 129 : Photos de Paul Rebattu. Carte du Linge et portrait de Paul Rebattu. Photo durant son service au 12e BCA d’Embrun.
Diapo 130 L’entrefilet sur la mort de Paul Rebattu. Deux entrefilets concernant la disparition de Paul Rebattu et sa fiche individuelle. Tué au Linge
Diapo 131 et diapo 132 : la lettre de Félicien Berner racontant la fin de Paul Rebattu. Cet ami de Paul Rebattu écrit à Monsieur Pascal, beau-père de Paul, afin de lui raconter les derniers instants de son ami, mobilisé comme lui au sein du 52e BCA. Sa lettre date du 1er septembre 1915 : « Après avoir mûrement réfléchi, j’ai cru qu’il était de mon devoir de m’adresser à vous, qui êtes un homme pour tenir la promesse faite à mon pauvre ami Paul Rebattu ! J’ai cru aussi, Monsieur, que je ne devais rien vous cacher. Le chasseur Paul Rebattu, est mort hier, 31 août vers 5 heures du soir dans la tranchée face à l’ennemi. Un obus lui a fracassé les deux jambes. Il n’a vécu que 3 ou 4 minutes. Ses dernières paroles ont été un acte de contrition : à deux reprises, il a dit : « O mon Dieu, pardonnez-moi ! » Vous excuserez, Monsieur, la brutalité de mon récit. Que faire, comment cacher à Madame Rebattu votre fille un si grand malheur ?
nous sommes tous partis à nos postes, à 20 mètres plus haut dans la montagne. Nous sentions que l’heure était grave. Paul, sans hésitation dit alors : » Allons-y, c’est le devoir. » A peine arrivé, un obus à mes côtés, lui fracassa les jambes. Je vous l’ai dit : la mort a été presque instantanée. Mon ami, votre fils n’a pas trop souffert ! Il est parti en brave et en chrétien. Il s’était rencontré peu de jours avant avec notre aumônier. Dès que cela a été possible, son corps a été retiré de la tranchée par ses camarades. Ses papiers sont entre les mains de l’autorité militaire qui, par les soins du lieutenant trésorier et du bureau du dépôt à Embrun vous les fera parvenir. Son porte-monnaie a été emporté par l’obus ainsi que la poche de son vêtement. Il sera sans doute inhumé ici. J’en noterai soigneusement l’endroit et la place. Et si j’obtiens l’autorisation de vous indiquer ce lieu, je le ferai. Laissez-moi vous dire, Monsieur, quelle a été ma douleur : j’ai beaucoup pleuré ce bon ami. Tous les hommes de la section se sont associés à mon deuil et tous me chargent de vous présenter ainsi qu’à Madame Rebattu leurs regrets et leur admiration. Notamment le sergent Rousset qui commandait notre section et le caporal Autely, chef de notre demi-section, ont été très pénétrés d’admiration à l’occasion de cette mort. Quant à moi, Monsieur, je vous prie de recevoir mes sentiments de fraternels regrets pour Paul, de condoléances pour vous, pour Madame Rebattu et pour toute votre famille si douloureusement éprouvée. Son frère d’armes Félicien Berner.
Diapo 133 : la vie économique en Ubaye perturbée En lisant la presse locale mais surtout les registres de délibérations des communes, on peut se rendre compte du bouleversement occasionné par le départ des hommes. Enumérons quelques mesures prises en Ubaye. Tout d’abord, des prisonniers allemands sont détenus à Barcelonnette et à Jausiers. En 1916, on reçoit des universitaires serbes à Jausiers. Parfois, les habitants râlent comme en mai 1915 lorsqu’on s’aperçoit que des prisonniers vont travailler sur la voie ferrée de La Mure à Gap. En automne 1914, dans les écoles, on confectionne des cache-nez pour les soldats. Le maire de La Bréole pense pouvoir en réaliser une trentaine à condition qu’on lui fournisse 4 kilos de laine. Tant bien que mal, les moissons, chaque année, sont faites, parfois avec de la main d’œuvre militaire. On estime qu’il faut 222 hommes dans la vallée pour la moisson et 96 pour celles d’automne. Des sursis sont accordés aux meuniers. Chabre à Barcelonnette, Laurens à Jausiers et Poncel à la Bréole obtiennent un sursis au printemps de 1917. Le rationnement concerne peu la vallée et souvent les familles nombreuses échangent leur ticket pour avoir du sucre. En septembre 1914, l’association des Femmes de Barcelonnette pour les Secours aux blessés est créee et recueille des dons. En 1915, l’école communale de Barcelonnette a envoyé un paquet de passe-montagnes et des chaussettes avec cette gentille inscription « avec les sous de nos goûters ». Même le collège de Barcelonnette participe aux Œuvres de la Défense nationale en réunissant de septembre 1914 à septembre 1915, 427 francs qui sont versés au Secours National, 175 francs versés à la Société de Secours aux Blessés de Barcelonnette, 175 francs pour le Noël aux Armées, 40 francs pour l’orphelinat aux Armées ainsi que 21 francs destinés aux prisonniers de guerre. Les mesures prises par les conseils municipaux. En sa séance du 24 avril 1915, cette fois–ci, l’attention est attirée sur la nécessité de surseoir à l’appel du bourrelier Jacques Derbez actuellement au 10e d’artillerie à pied, 39e batterie à Saint–Jean-du-Var. Sans sa présence, plus de harnais donc plus de possibilités d’atteler les chevaux. Le 26 septembre 1916, les fonds destinés à la Fête nationale n’ayant pas été dépensés, il est décidé de les reverser (70 francs) au profit des œuvres de guerre. A Faucon, en mai 1915, la commune, devant l’insuffisance de main-d’œuvre, est favorable à l’accueil d’Italiens, comme cela se faisait d’ailleurs avant la guerre. Malheureusement, les Italiens susceptibles d’effectuer des travaux agricoles en Ubaye doivent se rendre à Turin afin d’obtenir un passeport. En conséquence, les élus suggèrent que le « Commissaire spécial du col de la Madeleine » puisse avoir l’autorisation de délivrer ces précieux documents. En 1918, toujours à Faucon, « À la même séance, le président expose que les véhicules agricoles employés par les cultivateurs de la commune se trouvent en mauvais état, faute de charron depuis la mobilisation et qu’il serait de toute nécessité que M. Joseph Ange, charron à Barcelonnette, soit maintenu à la disposition des cultivateurs pour faire au fur et à mesure les réparations urgentes au matériel, Le conseil, ouï l’exposé ci-dessus, demande que le sursis accordé à l’ouvrier sus nommé soit prolongé. »
Toutes les communes ont prises des mesures afin d’écrire au commandement afin d’améliorer les transports entre Prunières et la vallée. Ainsi à Saint-Pons, une réunion extraordinaire du conseil municipal est convoquée pour le 3 octobre 1915, au sujet de l’insuffisance du transport entre Prunières et Barcelonnette. Ce dernier décide de demander au ministre de la Guerre de « vouloir bien, après expertise, céder à M. Sibourg [directeur de l’entreprise de transports], une des voitures appartenant à la 14e région qui ont été affectées au service de santé et qui sont proposées pour la réforme ». Mais il faut aussi de l’argent pour financer l’industrie de l’armement que l’on rassemble par exemple lors de la Journée du Poilu ou la journée du 75 organisée dès février 1915par le TCF. Des emprunts sont lancés, des associations de soutien sont créées. Bref ! Toute la Nation doit participer à l’effort de guerre. Enfin, la sale besogne concernait souvent les maires, le gendarme, le curé quand ils devaient annoncer un décès dans une famille en leur remettant le pli laconique de l’état-major. On peut aussi noter l’aide américaine au profit des orphelins français. Ainsi la famille d’Antoine martel en a bénéficié.
Diapo 134 : quelques affiches. A noter que la vallée a participé financièrement aux différents emprunts nationaux.
Diapo 135 : Extrait du journal de Barcelonnette et délibération de Faucon. Cet article relate le bilan de l’association des Femmes de Barcelonnette pour les Secours aux blessés et aux combattants et voici un extrait du registre des délibérations de Faucon relatif à l’amélioration du service de transport entre la vallée et Prunières.
Diapo 136 : Extrait de la délibération du conseil municipal de Barcelonnette du 24 avril 1915. Un exemple de ces difficultés de la vie économique ubayenne. « En sa séance de ce 24 avril, le premier adjoint explique qu’à la suite des réquisitions effectuées après la mobilisation, les cultivateurs de la vallée se sont trouvés dépourvu de chevaux et de mulets ainsi que des objets d’harnachement. Il est impossible de se procurer ces harnachements puisque tous les bourreliers de la vallée ont été mobilisés. C’est de nature à compromettre les prochaines récoltes. Comme le ravitaillement se fait également par la traction animale, le conseil décide à l’unanimité l’envoi d’un courrier à l’état-major de Lyon afin de surseoir à l’appel de Jacques Derbez, bourrelier. »
Diapo 137 : titre de quelques données. On peut se faire ensuite une idée de l’ampleur du désastre vécu par l’Ubaye en analysant sobrement quelques données. La guerre a causé 19 millions de morts (Alliés 5 Millions) 9,7 de militaires et 8,8 millions de civils. En France, sur 39, 6 millions d’habitants on compte 7 917 000 mobilisés, 1 397 800 tués et 4 266 000 blessés et 2 415 000 prisonniers français. Mais aussi 80 000 coloniaux sur 568 000 coloniaux mobilisés.
Diapo 138 : Bilan par année. Le bilan par année est le suivant : En 1914 : 128 tués. En 1915 : 143 pertes. En 1916 : 112 et en 1917 plus que 39 mais encore 57 en 1918 et 13 en 1919 (officiellement jusqu’au 1er octobre 1919. On peut considérer l’année 1914 comme étant la plus meurtrière pour seulement 5 mois de guerre. Comment comprendre ces pertes ? On peut raisonnablement penser que cela est dû à la manœuvre hélas préconisée qui était l’offensive en outrance, le manque notoire de l’Artillerie et l’inadéquation de nos tenues : le fameux pantalon et le képi garance qui offrait ainsi des cibles très visibles pour les fantassins allemands.
Diapo : 139 : Nombre de tués par commune. Le tableau recense le nombre de tués par rapport à l’effectif mobilisé de chaque commune. On déplore finalement 492 morts pour la France inscrits sur le monument aux morts de Barcelonnette sur 2133 (ou 2287 selon d’autres sources) hommes mobilisés. Il faut cependant préciser que 17 autres n’ont pas été inscrits sur ce monument comme Guener inscrit à Jausiers, Voituret, inscrit à Saint-Vincent et trois Léautaud pourtant inscrits sur le monument de Fours. Enfin pour une dizaine d’entre eux, je n’ai obtenu aucun renseignement à ce jour. La commune la plus touchée a été celle de Fours avec 45 % de pertes. Les blessés sont au nombre de 242 et les prisonniers sont au nombre approximatif de 94.
Diapo 140 : Etude de six classes. On peut se faire une idée de pourcentage de pertes par classe. Les pourcentages sont assez voisins. Au sujet de la classe 1909, ce qui est intéressant, c’est la répartition des métiers.
Diapo 141 : Les âges. Les plus jeunes ont 19 ans comme Marcel Tron de Barcelonnette ou Marcel Manuel de Faucon, le plus âgé est Frédéric Liotard de Saint-Vincent âgé de 42 ans mais il faut citer le cas spécial de Féliciano Marsili, du 75e RI tué à Lihons dans la Somme le 31 décembre 1914. Il était né le 21 12 1863 à Foligno, donc âgé de 51 ans, il avait été rattaché à la classe de 1914.
Diapo 142 : les Mexicains. On dénombre également 241 Français du Mexique qui sont venus se battre. 46 Ubayens sont aussi mentionnés sur le MAM de Barcelonnette sans oublier 11 Mexicains engagés à nos côtés.
Diapo 143 : 11 novembre 1918 – 11 novembre 2011. C’était il y a 96 ans…
Mais avant de se quitter, je vais vous résumer la journée inoubliable du 11 novembre 1918 à Barcelonnette tel que le raconte l’abbé Pelissier dans le « Petit Mois de Sainte-Cécile » :
« Les échos de la victoire : Ils dormaient à demi depuis plusieurs mois, ces échos de la Victoire, se tenant prêts à éclater en transports. Ils n’attendaient qu’un signal. Ce signal arrive en plein midi de ce lundi 11 novembre. Il grimpe au clocher et emprunte aussitôt pour mieux se manifester la voix la plus auguste, la plus retentissante qui existe, la voix des Cloches. Cette voix, dont la mission est de parler le langage de la religion, gardait au point de vue national, un grand silence depuis 4 ans. Elle attendait d’exulter à son jour. Car si la raison d’être des cloches est de parler pour Dieu, elles peuvent, en certaines circonstances et pour de nobles motifs s’unir à des sentiments humains et annoncer un danger, l’alarme, chanter la Victoire. Dans l’ordre des choses humaines, jamais nos cinq voix de bronze n’eurent plus d’honneur et de joie. A midi 20 minutes, elles nous disaient que nos soldats étaient définitivement vainqueurs, que le génie de nos chefs avait réduit au silence les canons ennemis, que le fil télégraphique nous apportait l’heureux et dernier communiqué de la guerre. C’est la Paix. C’est la fin de la grande calamité, et c’est le triomphe si longtemps attendu ! La joie chez nous, les larmes d’un grand nombre répondent à la grande nouvelle, à ces quelques mots électriques qui, à ce moment, agitent la France et le Monde. Et sans fil, l’onde sonore gravit les collines, atteint les hameaux ; la grande cloche porte plus loin son sourd grondement, son grave mi-bémol et va réveiller les clochers des environs. Les gens descendent de leurs campagnes pour mieux savoir et se réjouir à bon escient. La joie et les larmes avaient donc droit de cité. On s’embrasse même. La sonnerie se lasse et le carillon s’arrête pour un instant de repos à donner aux jeunes sonneurs. Elle fait place à quoi, à la Marseillaise ! Qui pour une fois retentit exceptionnellement au sommet de la Tour « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ». Souhait sanglant et terrible et insupportable, mais que l’on supporte cependant car il parait mieux justifié que jamais. Puis l’harmonie reprend vigoureuse et soutenue et la place S-Pierre s’emplissait de monde ; on regardait la tour sonore et les grands balancements imprimés par de multiples bras en manche de chemise à ces masses de métal. Le clocheton de l’hôpital, le Campanile de St-Maurice, la cloche de l’horloge, Faucon et St-Pons y répondent. Le branle-bas prit fin, mais pour recommencer encore. Voici une escouade de permissionnaires, décidés à monter au clocher comme à l’assaut et à l’attaque. Les jeunes gens de petite taille cherchent des clairons pour aller monter quelques gammes victorieuses autour de la caserne des Allemands prisonniers de guerre. La voix de la victoire qui s’est fait entendre leur est déjà parvenue certainement. Ils écoutent encore un peu ces bribes de Marseillaise ou autre hourras. ! En l’honneur des vainqueurs. Il faut s’y rendre à l’inévitable. Les drapeaux ornent successivement nos fenêtres. Le tambour municipal fait sa ronde et annonce l’illumination pour le soir, après le pavoisement, la fermeture des cafés à minuit seulement et la retraite aux flambeaux. C’est avec cette sérénité fortifiante que nous allons ensuite à la manifestation extérieure, tangible et bruyante du soir. Des lumières brillent nombreuses aux fenêtres et semblent se jouer avec les plis des drapeaux. Puis un défilé monte de la caserne. En 1914, l’armée descendait. Ce soir de 1918, elle monte. C’est l’image du retour en attendant la réalité. Ce défilé, ce qu’il va nous rappeler ! Il nous rappelle la grande heure de la mobilisation, heure ardente et fiévreuse où l’âme de tous apparaissait comme écrasée par le formidable inconnu de la guerre, tout en regardant avec vérité l’image grandissante de la patrie, la France convoquant à la défendre tous ces enfants. Il nous remémore nos régiments traversant notre grande rue avec cette allure martiale indicatrice des prochains et âpres combats. Ces sonneries de clairon remplissant l’air à côté des plis flottants et qui prenaient le cœur, le serrant d’une patriotique angoisse. Ce défilé du soir, quel autre son il a ! Quelle joie épanchée, quels accents déliés et pleins de verve il soulève. Vivons-en une grande heure, notre grand-rue n’en verra peut être plus jamais sa pareille. Ce 11 novembre au soir, c’est aussi une réception à la mairie, un discours enflammé sur la place Manuel. C’est qu’à travers toutes ces simplicités flottaient comme un réveil de nationalité, un retour de ce sentiment à une nouvelle vie, ragaillardi par la victoire. Quand on s’arrêtait un moment, au coin d’un trottoir, pour voir passer la foule mouvante, la grande foule, cette idée de patrie prenait plus de consistance dans l’esprit que jamais. Les feux de joie brillaient aux coteaux lointains et l’un d’eux, perché sur les hauteurs du Col d’Allos, semblait plutôt comme une étoile posée sur la cime de France qu’un feu allumé par la main d’un homme «
Diapo 145 fin du diaporama.
La vallée confrontée brutalement au conflit dès la fin d’août 1914 a dû et a su faire face. Certes, elle n’a pas subi directement les horreurs de la guerre et, du fait de sa vocation agricole, elle a été moins sensible aux restrictions alimentaires, mais comme partout en France, elle a dû surmonter les traumatismes de la mobilisation et des pertes humaines successives. En revanche, les difficultés des transports vers l’extérieur l’ont pénalisée. Il faut imaginer le bouleversement qu’ont représenté, en 1914, pour la plupart d’entre eux, cet arrachement brutal à leur famille, leur « pays », leur métier et la découverte accélérée de la diversité géographique et sociale de la France, d’une certaine modernité comme le train et enfin de l’ampleur de la « machinerie » de guerre. Mais surtout, il faut réaliser l’inhumanité de leurs conditions de vie. Car ils ont connu la soif, la faim, la boue, le froid, l’humidité, le manque d’hygiène, les poux, les rats mais aussi l’insupportable odeur de la mort, la vue insoutenable des cadavres amis ou ennemis, le vacarme des tirs de l’artillerie, l’explosion des obus, le sifflement des balles, la hantise de devoir escalader le parapet… Dans cet enfer vécu par tous ces combattants, les Ubayens endurcis par la rude vie en montagne ont eu peut-être une capacité plus forte à survivre à toutes ces agressions permanentes et leur endurance force notre respect. Ceux qui ont eu la chance de revenir au pays ont vécu le reste de leur vie avec ce fardeau souvent invisible des souffrances endurées. Ils ont peu parlé à leur entourage, sachant que « leur » guerre était indicible et ne pouvait être comprise par ceux qui n’y étaient pas. C’est pourquoi la transmission orale dans les familles est quasiment absente et les connaissances que nous pouvons avoir passent surtout par des témoignages écrits, ce qui atteste d’un niveau de scolarisation tout à fait remarquable dans une vallée isolée. Enfin, ce sont surtout les familles dont les enfants qui ne sont pas revenus au pays qui ont été le plus meurtries : orphelins, veuves, fils et frères disparus cette douleur morale n’a jamais disparue. Ce devoir de mémoire s’est imposé à moi. Et c’est faire nôtre, dans cette vallée de montagne maintenant si paisible, cette devise que l’abbé Collé avait mise en exergue :
« Oublier ? Jamais ! »